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Notre Union

Les enjeux de la laïcité au travail


Emilie Trigo et Simon Lequeux

n°212 novembre 2020 UNSA Magazine


Depuis quelques années, le « fait religieux en entreprise » fait couler beaucoup d’encre. De nombreux rapports ont vu le jour, notamment depuis 2013, année où la CNCDH et le CESE ont tous deux rendu un avis. En 2017, c’est le ministère du Travail qui édite un Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées. Mais qu’en est-il réellement de la laïcité au travail, quelles sont les règles à appliquer en la matière ?


Histoire et avènement de la République laïque


Le terme « laïc » est apparu au XIIIe siècle pour désigner les personnes et les choses qui, tout en faisant partie de la communauté religieuse, n’y exercent pas de responsabilités sacerdotales, en opposition au Clergé.


La première distinction, en France, entre le sujet politique et le croyant a été opérée par l’Édit de Nantes, en 1598, accordant aux protestants des droits de culte, des droits civils et des droits politiques.


Il faut cependant attendre 1789 et la Révolution française pour voir apparaître la fin des privilèges ecclésiastiques et l’affirmation, dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de principes universels telles que la liberté de conscience et l’égalité des droits.


Le Code civil, publié en 1804, participe à la laïcisation de l’État français, l’école devient laïque et indépendante de l’Église en 1882 (lois Ferry) et la rupture des relations entre l’État français et le Vatican en 1904, rend caduc le Concordat instauré en 1901, et accélère la séparation de l’État et des Églises.


C’est dans ce contexte que naît la Loi du 9 décembre 1905, portée par le député Aristide Briand, Il y défend une loi de liberté, contre la vision anticléricale, pour arriver à un compromis permettant de fixer un cadre pouvant évoluer avec la société française, instaurant la liberté de conscience et de culte.


Contradictions autour du concept de laïcité


Dès 1905, plusieurs conceptions de la laïcité s’opposent : laïcité stricte, concordataire, ouverte, identitaire…


Le glissement opéré au cours du XXe siècle a entraîné le fait que la Loi de 1905, qui reconnaissait la liberté religieuse, est parfois invoquée aujourd’hui pour tenter de la restreindre, souhaitant élargir la neutralité imputable aux institutions, à tous les individus.


Selon l’Observatoire de la laïcité, la laïcité ne doit pas être adjectivée. Elle est LA laïcité et l’esprit de la Loi de 1905 est bien celui de garantir la liberté religieuse.


La laïcité dans la Fonction publique


Dans la Fonction publique, la situation spécifique des fonctionnaires est notamment régie par la Loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.


En 2017, une circulaire relative au respect du principe de laïcité dans la Fonction publique précise le sens et la portée, pour les agents publics, du principe de laïcité et de son corollaire, l’obligation de neutralité, définis par la Loi de 1983, modifiée par la Loi de 2016.


Il y est bien rappelé que de la laïcité se déduit alors immanquablement la neutralité non seulement de l’État, mais aussi des collectivités territoriales et des services publics.


Cette neutralité incombe ainsi aux agents publics, entraînant l’interdiction de manifester leurs convictions religieuses dans l’exercice de leurs fonctions, tout manquement à cette obligation de neutralité pouvant entraîner une sanction disciplinaire.


Cette très forte obligation de neutralité ne s’applique pas aux usagers du service public qui ont, a priori, le droit d’exprimer leurs convictions religieuses puisque la neutralité des services publics implique, notamment, l’égal accès des usagers aux services publics et leur égal traitement, quelles que soient leurs convictions.


En revanche, comme le stipule la charte de la laïcité dans les services publics de 2007, des restrictions de liberté des usagers des services publics de manifester leurs convictions peuvent être justifiées mais résultent alors de textes spécifiques (c’est le cas de la Loi du 15 mars 2004 concernant les écoles, collèges et lycées publics, et de celle du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public).



La laïcité dans les entreprises privées gérant un service public & associations loi 1901


Si ambiguïté il pouvait y avoir concernant la situation de ces entreprises, celle-ci a été levée par le Conseil d’État, dès 1964*, qui a jugé que le principe de laïcité et donc le devoir de neutralité, s’appliquaient à tous les services publics, même ceux gérés par des organismes de droit privé.

La Cour de cassation a suivi le Conseil d’État et assuré en 2013**  que les principe de laïcité et de neutralité n'ont vocation à s'appliquer qu'à l'Etat, aux collectivités publiques, aux personnes morales de droit public et à leurs agents


En conclusion, les salariés d’une entreprise privée, si celle- ci gère un service public, doivent respecter la règle de neutralité qui incombe aux fonctionnaires et ils ne peuvent pas manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs. La Cour de cassation, dans le même arrêt de 2013 a précisé que le salarié était soumis à ce devoir de neutralité, qu’il soit ou non en contact avec le public.


* CE, 31 janvier 1964, CAF de l’arrondissement de Lyon
** Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11.690 -
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027209863/


La laïcité dans les entreprises privées


Dans le secteur privé, le principe de neutralité n’existe pas puisque l’État n’y est pas représenté. Le principe de laïcité s’y applique donc, à savoir la liberté absolue de conscience et la liberté de culte, dans les limites indiquées par le Code du Travail.


Ce dernier précise que nul ne peut être lésé ou discriminé en raison de ses convictions religieuses tout au long de son parcours professionnel, du recrutement au licencie- ment, en passant par l’évolution de carrière.


Mais l’exercice de sa liberté religieuse par un salarié ne doit pas être abusif, ni porter atteinte à la bonne marche de l’entreprise.


Des restrictions à la liberté religieuse pourront ainsi être apportées à la triple condition :

  • qu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante ;
  • qu’elles soient justifiées ;
  • qu’elles soient proportionnées au but recherché.


Un employeur peut ainsi restreindre la liberté religieuse de ses salariée•s lorsque cela concerne la protection des individus s’il y a :

  • entrave aux règles de sécurité ou de sûreté ;
  • entrave aux conditions d’hygiène et de propreté ;
  • prosélytisme.


Concrètement, cela peut pousser un employeur à inter- dire des tenues vestimentaires si elles semblent incompa- tibles avec l’exercice de son activité professionnelle.

D’autre part, une entreprise pourrait encadrer ou inter- dire le fait religieux en s’appuyant sur la bonne marche de l’entreprise s’il y a entrave :

  • à la mission professionnelle pour laquelle on a été embauché ;
  • à l’organisation du service pour lequel on travaille ;
  • aux intérêts économiques de l’entreprise.


Le cas particulier des entreprises de tendance Il existe de rares cas où le fait d’avoir une opinion divergente de celle de son employeur peut être considérée comme une faute. C’est le cas des entreprises privées dites « de tendance ».


Une entreprise de tendance est une entreprise qui fonctionne sur la base d'une orientation particulière qui peut être syndicale, politique ou religieuse (exemple : une école privée catholique). Elle impose la doctrine de l'entreprise aux salarié•es et permet ainsi qu’une différence de traitement, fondée sur la religion ou les convictions d'une personne, puisse exister sans constituer une discrimination puisque, par la nature de ces activités, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle.



Éclairage juridique (exemple de l’arrêt de la Cour de cassation de juillet 2020)



Un consultant en sécurité, salarié d’une entreprise qui intervient sur le marché international, est affecté à des missions dans des « zones à risque ».

L’employeur lui demande de tailler sa barbe dont la forme et la longueur sont, à ses yeux, un signe de ses convictions religieuses et donc incompatible avec ses obligations professionnelles.

Le salarié refuse. L’employeur le licencie en invoquant des impératifs de sécurité justifiant une restriction des libertés individuelles et les exigences des clients.

Dans son arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation rejette ces 2 arguments et dit le licenciement nul car fondé sur un motif discriminatoire.

En effet, le règlement intérieur de l’entreprise ne contenait aucune clause restreignant la manifestation des convictions des salariés au nom d’un principe de neutralité nécessaire à son bon fonctionnement (article L. 1321-2-1).

Quant aux exigences des clients, elles doivent être considérées comme des considérations subjectives alors que la restriction imposée au salarié devait être justifiée par une exigence professionnelle objective !


https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027209863/



L’UNSA et la laïcité


L’UNSA, dès sa constitution en 1993, s’est dotée d’une charte des valeurs qui stipule, dès son préambule, que

« Nul ne peut se prévaloir d’une appartenance à l’UNSA s’il ne partage pas ces principes librement consentis ».


Dès sa création, l’UNSA a ainsi noté son attachement à la laïcité et en a fait une condition sine qua non à une quelconque adhésion. La laïcité figure ici au même niveau que la démocratie, la justice sociale ou la solidarité.


Lors du congrès de Rennes de 2019, l’UNSA a consacré une partie de sa résolution de congrès à la question de la laïcité.


L’UNSA y rappelle tout d’abord son soutien plein et entier à la Loi de 1905.

Elle y aborde ensuite concrètement la problématique de la manifestation de revendications religieuses dans les entreprises privées et considère que le cadre juridique en matière de liberté de conscience est clair mais qu’« un des

enjeux est celui de savoir comment cette liberté s’articule avec l’organisation du travail », notamment avec le respect des consignes, des horaires ou encore des règles de sécurité.


Les militant•es syndicaux•ales doivent pouvoir se donner les moyens d’agir afin :

  • d’être en capacité d’informer les travailleur•ses sur les textes de loi en vigueur,
  • d’assurer la liberté de vivre ses convictions dans le respect mutuel
  • ou encore de s’assurer qu’aucun prosélytisme ou aucune action syndicale ne reposent sur des revendications communautaires.


S’il revient aux entreprises de se doter des moyens de créer les conditions du vivre-ensemble, les responsables syndicaux doivent, eux, s’assurer que celles-ci le sont conformément aux textes de loi.



Quel rôle du syndicat dans la gestion des questions religieuses en entreprise ?


Ce qui ressort des diverses interventions des militants et représentants syndicaux est bien souvent un manque de connaissance, une ignorance du droit existant sur les questions de laïcité et de fait religieux au travail, et parfois un amalgame entre les entreprises privées et la Fonction publique.


Une des missions du syndicat est de former ses adhérents et militants afin qu’ils ne se sentent pas démunis lorsqu’ils sont interpellés par des travailleurs ou même par la direction de l’entreprise.

Connaître le droit et savoir l’appliquer permet une meilleure assurance dans les réponses apportées à celles et ceux qui nous interpellent, et surtout de dédramatiser un sujet qui, s’il inquiète, ne doit pas être traité différemment des autres.


L’UNSA doit ainsi continuer à développer le module de formation CEFU intitulé « Laïcité et fait religieux en entreprise » mis en place en 2019 et proposé à chaque UD, UR, fédération ou syndicat.


D’autres orientations peuvent être prises par le syndicat, comme celle d’instaurer des chartes de la laïcité en entreprise.

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